You talkin to me ? -- rp libre

Du haut du promontoire, je regarde les guerriers et apprentis attendre, sagement, de recevoir leurs ordres. Le miaulement de Merle Blanc résonne dans le camp alors qu'ils sont de moins en moins nombreux à attendre devant elle. Le bâillement de Griffe de Renard m'arrache un petit rire intérieur, celui là ne changera jamais. Je dois dire que son côté ronchon à quelque chose de touchant, d'une certaine manière il me fait penser à mon père, ce vieux râleur pour qui rien ne valait une bonne partie de chasse en solitaire. Combien de fois m'avait-il formellement déconseillé de le suivre ? Il me manque par moment.

Cet élan de nostalgie me pousse à me lever et quitter mon promontoire. Retrouvant mon Lieutenant à la base de la structure rocheuse, je l'informe que je compte suivre le guerrier à la robe de feu vers le Sentier des Bipèdes et, qu'en mon absence, la sécurité du camp repose sur ses épaules. J'emprunte doucement le tunnel est et force l'allure à la sortie de celui-ci, imposant une cadence soutenue à mes petites pattes. Rapidement, la fourrure rousse de mon guerrier m'apparaît un instant avant de disparaître à nouveau derrière quelques buissons épineux.

Griffe de Renard, le hèle-je.

Ce bougre fonce bien vite, certainement aidé de ses grandes pattes. Je force une nouvelle fois l'allure et parvient à rapidement réduire l'écart nous séparant, mon guerrier ayant fait l'effort de s'arrêter.

En route guerrier, lui dis-je gentiment sans m'arrêter.

Le bout de ma queue frottant sa truffe, amicale invitation à me suivre, je l'entends déjà se mettre en route. Direction le sentier des Deux-Pattes.

(Salut bg   )

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]GRIFFE DE RENARD
hey dude, you'll find me in the other side

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Griffe de Renard prend le temps de s'en aller du camp, reniflant ici et là en quête d'une proie pour bien commencer la journée. On lui a demandé de chasser, on ne lui a pas demandé de tout rapporter. L'activité du camp doit faire fuir tous les rongeurs des environs parce qu'il n'en sent pas un seul, toutes les effluves sont éventées. il hausse les épaules, tant pis il attendra d'être dans un recoin plus calme. Un bruit de pas sourd attire son attention. Si c'est encore sa supérieure qui vient lui ajouter un ordre supplémentaire il n'est pas certain de parvenir à garder sa gueule close plus longtemps et risque de mal lui répondre. Il sursaute en attendant la voix de sa meneuse. De mieux en mieux, maintenant c'est carrément l'élite du camp qui lui cavale après. Il retient un soupir exaspéré et s'arrêter de marcher pour laisser sa chef le rejoindre. Elle ne dit rien de particulier, elle se contente juste d'un geste pour l'inviter à poursuivre leur progression, ensemble cette fois.

J'en déduis que tu vas m'accompagner chasser... ? miaule-t-il pour en avoir la confirmation.

Il aurait au moins pu attendre que je lance le défi. Suis-je surprise pour autant ? Non. Peut-être. Le bougre ne changera-t-il donc jamais ? De toute façon je compte lui laisser une bonne longueur d'avance, une très bonne longueur d'avance. Le voilà maintenant silencieux, comme le reste du bois nous entourant. Les feuilles des buissons ne dansent pas, les branches des arbres, habituellement animées d'un doux sifflement, restent stoïques, comme leurs aiguilles. Comme figée dans ce moment hors du temps, je projette dans esprit quelques instants dans un futur proche, me spoliant d'une certaine façon une scène qui s'est répétée bien trop de fois ces derniers temps. Je n'ai plus une once d'envie pour la chasse, non, mes idées sont accaparées par une occupation d'une toute autre nature. J'attends de ne plus repérer une seul trace de sa présence avant de me mettre en route.

Un léger contournement et un oiseau aux méthodes de survie hasardeuses plus tard, les buissons me fournissent une nouvelle fois un abri propice à l'observation. Je le sens avant de le voir, cet imbécile n'a donc rien appris ? Non loin de là, tapi dans l'ombre d'un formidable pin, il est persuadé que je ne le vois pas. Il se permet même de se déplacer à pas feutrés comme s'il était cette ombre. C'est toujours un plaisir de voir ses muscles noueux rouler sous son pelage couturé de cicatrices. Une agréable sensation de douceur se fait une place chaleureuse dans mon ventre, comme si celui-ci devenait doucement de mousse bien fraîche. Quittant les feuilles luisantes de mon buisson dans un élégant bruissement, il ne faut pas longtemps à Grizzly pour me repérer. Le temps qu'il faut nous faut pour fixer un ennemi qui entre dans notre champ de vision par surprise. Heureusement pour lui, je ne viens pas jouer ce rôle là. Un ébrouement et quelques coups de langue sur le poitrail, fière, et me voila, prête à trahir une nouvelle fois mes propres enseignements.

Nos truffes se rejoignent dans un contact aussi rapide qu'affectueux et viennent se loger dans  nos fourrures désormais emmêlées dans une étreinte réconfortante. Voilà deux lunes que je ne l'ai pas vu. Une restriction que je m'impose pour garder un tant soit peu de discrétion mais qui rend chaque rencontre disons... surprenante. Aujourd'hui il en va autrement et je le lui fais rapidement savoir. Quittant sa chaleur corporelle, à regret, je lui explique que je ne suis pas seule, ou du moins que je ne le resterai pas longtemps. Il reste étrangement silencieux pour quelqu'un habituellement si prompt à l'ouvrir pour peu ou prou, ne rien dire.

Suis moi, lui glisse-je tendrement.

Il s'exécute, silencieux comme une plume. Nous déambulons discrètement entre les pins. Il me laisse le guider au travers d'un bois que je ne connais que trop bien.

C'est si grave que ça ?

Sa question me surprend. De quoi veut-il parler ?

Notre... relation, précise-t-il alors que mon regard suffit à lui faire comprendre mon désarroi.

Un regard alentour. Bien, nous devrions être tranquille ici. Cinq troncs forment un cercle suffisamment large pour nous permettre de passer à deux et assez étroit pour éviter que des regards indiscrets puissent pleinement nous voir. Quelques fougères viennent prendre le soleil, leurs larges feuilles propageant leurs ombres sur doux tapis d'aiguilles au creux des arbres.

Je te l'ai déjà dit, commence-je d'un miaulement emprunt d'agacement, je ne peux pas me permettre une telle chose. J'enfreins trop de règles, plus grave, je vais à l'encontre de ce que j'inculque.

Il faut que les mots sortent de ma gueule. Je n'en reviens pas de devoir avoir à les prononcer pour prendre conscience de mon idiotie. Tout du moins, je cesse de l'ignorer alors que je l'évoque à haute voix.

En tant que lieutenant ce n'était vraiment pas simple, mais maintenant...

Une nouvelle fois un regard suffit à ce qu'il comprenne. Bon sang ce que ce chat est beau, un air grave et solennel balaye le portrait que me faisais de lui jusque maintenant. Il vient se blottir contre moi, toujours aussi silencieux, et je ne peux refuser.

Alors on arrête, finit-il par me dire. On ne se voit plus.

Dire ces mots semble ne rien lui faire. Je suis plus surprise que déçue, je ne m'attendais pas à ce que ce soit lui qui prenne cette décision. J'y serai finalement venue, j'aurais probablement utilisé d'autres mots, mais les choses resteraient les mêmes. Sa truffe vient se lover au creux de mon cou, pressant ma gorge d'un insistant mouvement d'affection que je lui rend d'un coup de langue sur l'oreille. Un goût bizarre m'emplit la bouche, âpre, désagréable, comme une manifestation sensorielle et instantanée de mon humeur. Je romps une nouvelle fois le contact de nos deux fourrures pour fuir ce cercle de pin, pour le fuir lui et sa décision. Je l'ai mauvaise, sans savoir vraiment pourquoi, sans vouloir l'admettre. Je me sens trahie par une décision avec laquelle je suis en accord. En aurait-il été ainsi si j'avais mis fin à notre relation, moi et pas lui. J'en viens rapidement à penser que non. Et c'est perdu dans mes réflexions que je remonte machinalement mes pas, revenant dangereusement là où j'avais laissé Griffe de Renard. Je ne fais plus attention à grand chose, au soleil, au vent qui vient soudainement de se lever, ni au gros matou noir et blanc qui m'invite à revenir vers lui.