Une disparition inquiétante [libre]

Etoile de Braise était de très mauvaise humeur. Sa journée avait pourtant bien commencé à l'origine. Mais tout s'était gâté bien trop rapidement. Déjà il faisait bien trop chaud, même pour la saison des feuilles vertes, et la température élevée lui tapait sur le système. Ensuite des guerriers avaient décidé suite à il-ne-savait quel méli-mélo de partir en ballade sous couvert d'une patrouille à l'endroit le moins utile du territoire sans qu'il en soit informé. Son lieutenant n'y avait vu aucun problème et il trouvait ça lunaire. Et enfin pour compléter le tout une reine avait débarqué en totale panique dans sa tanière pour l'informer de la disparition de ses deux petits. Une journée formidable donc.

Le matou au pelage roux rayé souffla avec agacement, essayant de chasser par la même occasion le pollen qu'il soupçonnait d'être entré dans ses narines. Il se retrouvait donc à devoir partir à la recherche de chatons, en pleine canicule, alors que le camp était en sous-effectif, seul pour ne pas monopoliser davantage de combattants et, surtout, pour avoir la paix. Il n'arrivait pas à croire que la reine ne s'était pas rendu compte plus tôt que ses petits n'étaient plus là. Il allait bientôt être la fin de la matinée, et bien qu'elle affirmait les avoir cherché partout avant de le déranger, il estimait qu'elle aurait mieux fait de l'informer immédiatement. Enfin bon, le mal était fait de toute façon.

Etoile de Braise bondit par-dessus un amas de branches d'arbres qui encombrait son chemin. Prenant soin à retomber correctement sur ses pattes il continua de suivre la piste en silence. Il constatait au fur et à mesure de sa progression qu'il s'éloignait de plus en plus du territoire de sa tribu pour se rapprocher de celui du Clan du Vent ce qui ne lui plaisait guère. Il passait un peu trop de temps à proximité de ces mangeurs de lapins ces derniers temps à son goût. Le meneur rouquin siffla d'agacement au moment de franchir la frontière. Tant pis, il était trop tard pour reculer et il ne se voyait pas revenir au camp sans les chatons. Il espéra les retrouver rapidement, la trace lui semblait de plus en plus fraiche fort heureusement.

Les nuits étaient mauvaises ; l’astre solaire était particulièrement lourd, et même son sommeil ne saurait faire fuir la chaleur étouffante qu’il apportait. Tout le monde semblait fatigué, assujetti par nouveau poids causé par les fortes températures. Baie Sucrée regrettait la Saison des Feuilles Nouvelles, ou au moins, les proies ne se cachaient pas. Tout le monde était réuni aux points d’eau pour profiter d’un peu de fraîcheur ; et la guerrière au pelage sombre s’était lancée dans une nouvelle aventure en quête d’un lapin égaré, bien incapable de rester à rien faire trop longtemps. Et ceci, même si le soleil les clouaient au sol. Discrète et méthodique, la jeune féline ne parvient pas à trouver l’objet de son souhait : et une profonde frustration grandit dans ses entrailles. Museau levé, son regard s’est écarquillé avec brutalité lorsqu’une odeur spécifique attire son attention, et creuse un douloureux frisson dans sa colonne vertébrale. La guerrière ne tarde pas à suivre maladroitement la piste, se cachant parmi les végétaux pour attraper l’objet de cette intrusion. Puis le voilà : le vaurien qui a passé les frontières. Son regard chute sur des muscles noueux, une silhouette massive, au regard crépitant. Un fumet familier, porté par les guerriers lourds et massifs du Clan de la Rivière. Mais c’est un autre détail qui la fait sortir de sa cachette, qui la fait se relever de surprise : cette vilaine cicatrice sur le visage du félin est reconnaissable entre mille.

“Etoile de Braise ?”

Particulièrement spontanée, la jeune féline avait lâchée le nom du meneur dans un hoquet, incapable de garder entre ses babines la surprise d’une telle présence en ces lieux. Peinant à savoir comment réagir, réduisant ses prunelles en fentes méfiantes, ses muscles sont profondément tendus et prêts à se mouvoir en cas d’attaque surprise. Étudiant les lieux de son regard clair, elle tente de visualiser un bout de truffe dans les fourrées, ou les poils d’une pelisse mal camoufflées parmi les herbes folles afin de s’assurer que tout ceci n’était pas un piège cruel. Si une ancienne odeur lactée attire son attention, aucune odeur de bouffeur de poiscaille n’attire son attention. Le meneur était seul ; et c’était d’autant plus terrifiant, la gamine n’avait aucun désir à faire les émissaires. Prenant une grande inspiration, toujours aussi tendue ; Baie Sucrée ne montre aucun signe d’agressivité, par crainte que la situation lui retombe dessus s’il venait simplement pour discuter avec sa propre meneuse. Pour le moment, elle se contente d’un peu de méfiance, et de veiller au grain.

“Que fais-tu ici ?” elle demande, d'une voix plus assurée.

Son coeur bat à tout rompre dans sa cage thoracique. Pourtant, la jeune guerrière ne parvient pas à savoir si c’est l’angoisse ou la stupeur qui agite son myocarde de cette façon. C’est un peu idiot ; parce qu’elle n’a jamais approché un autre meneur de cette façon. C’est drôle de le voir perché, éloigné, lors des assemblées des quatre clans, alors qu’il se trouve sous ses yeux désormais, et que leurs voix s’entrechoquent pour former une discussion. Il n’en est pas moins menaçant, et Baie Sucrée n’est pas stupide. Etoile de Braise est une machine de guerre, et s’il démarre des hostilités, il n’en fera qu’une bouchée. Si elle détestait ceci ; elle devait faire preuve de prudence. Chose difficile à faire, pour quelqu’un de son tempérament.

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