La pluie de nos émotions - Azalée & Baie

Cela faisait plusieurs heures maintenant que la jeune meneuse marchait sur les terres de son clan. La pluie était présente. Les gouttes ne cessaient de tomber, venant s'infiltrer dans son poil fin et entrant dans ses oreilles, trop larges. L'eau glissait dans ses tympans, l'obligeant à secouer la tête car elle avait l'impression de n'avoir sans cesse des chatouillis dans le crâne. Elle avait le sentiment que cette eau caresser son cerveau avec vice. Comme si elle voulait jouer avec elle, comme si elle voulait s'amuser à la taquiner. Mais bizarrement, elle n'y faisait pas réellement attention. Pire encore, elle l'ignorait complètement. Ce climat lui convenait parfaitement, faisant en sorte que ses émotions disparaissaient au fil des gouttes qui glissaient le long de son poil. En effet, grâce à elle, elle pouvait laisser les larmes rouler sur ses joues sans qu'on ne puisse les voir. En réalité, elle ne savait vraiment pas pourquoi, aujourd'hui, elle culpabilisait à ce point-là. Pourquoi elle s'en voulait ainsi ? Mais surtout, elle n'en comprenait la cause. Car au plus profond d'elle-même, elle savait parfaitement que la mort de sa mère n'était pas de sa faute. Mais elle se disait aussi que .. Que si elle l'avait retenue davantage, peut-être serait-elle restée plus. Peut-être que sa mère ne serait-elle jamais partie ? Peut-être qu'elle ne serait pas morte ? Après, sa famille a toujours cru au Destin. Et aujourd'hui, elle savait que sa place venait de ce dernier.

La patte de la chatte se posa dans une flaque d'eau. Le fracas de son coussinet dans cette dernière la fit sursauter, et elle finit par poser son regard autour d'elle : il faisait nuit. Elle n'avait même pas remarqué à quel point le temps était passé. Elle n'avait même pas vu que la Lune était venue remplacer l'Astre Solaire. Depuis toute petite, la chatte a toujours aimé le Soleil. Pour elle, il représentait énormément de choses : la première qui était la Vie. Grâce au Soleil, on souriait, on jouait, on vivait, tout simplement. La seconde était le bonheur. Cet astre nous permettait de voir la vie autrement, d'oublier les tourments et surtout, d'ignorer les soucis que l'on peut avoir. La troisième était la renaissance. En effet, les chatons naissaient souvent sous cet astre, les chattes aimaient voir la vie apparaître grâce à ce dernier. Cependant, contrairement au premier, la Lune et le Crépuscule étaient quelques choses qu'elle détestait réellement. A cause de ces derniers, elle avait le sentiment que toute vie disparaissait, que la Mort rampait à chaque instant et que les rêves mourraient. A chaque fois qu'elle fermait les yeux et laissait la pénombre naître, il semblait que les Cauchemars venaient glisser des mots doux dans son oreilles. Comme s'ils n'attendaient que cet instant pour apparaître.

Finalement, la jolie meneuse marcha sur ses terres. Elle put remarquer que la plupart des guerriers dormaient déjà, que les Reines avaient récupéré les chatons et que les apprentis semblaient épuisés par leur entraînement quotidien. Après un dernier regard, elle finit par se diriger vers sa propre tanière. Sommeil ? Non, elle ne dormirait pas ce soir. Tous comme les autres, d'ailleurs. Car elle savait que les cauchemars viendraient la perturber. Une voix, et elle sursauta. Elle se retourna immédiatement, un tendre sourire apparut sur ses babines tandis qu'elle secouait la tête tendrement.

" Pour toi, jamais. " Quand la noire était présente, tous ses cauchemars disparaissaient.

En réalité, depuis l'arrivée de la petite noire dans son camp, la chatte avait adopté immédiatement cette dernière. Elle avait senti en elle quelque chose qu'elle avait perdu. Elle avait trouvé en elle, la soeur qu'elle n'avait jamais eu. Une soeur qui lui permettait de remonter la pente, de devenir celle qu'elle était aujourd'hui, de créer un monde dont elle serait fière plus tard. En fait, avec Luciole et Souffle, cette chatte blanche était son unique repère. Ils lui permettaient de se maintenir hors de flots, de demeurer intacte et d'oublier cette folie que lui avait offert sa mère lorsqu'elle avait disparu. Finalement, à sa dernière phrase, elle secoua de nouveau la tête en lui adressant un petit sourire.

" J'ai assez pleuré, tu sais. Et puis j'en connais une qui me donnerait une pichenette si elle me voyait faire. " Petite référence à sa mère bien placée.

Malgré que la petite guerrière ne soit pas bien douée avec les émotions, elle demeurait tout de même son unique réconfort. Elle l'aidait à surmonter ses propres émotions. Finalement, sans prévenir, elle vint vers la petite noiraude et se blottit contre elle. En effet, Baie était l'unique chatte avec qui elle osait s'épancher de cette manière. Et elle ne saurait réellement dire pourquoi. Tout ce qu'elle savait, c'est que ça lui faisait du bien.